Chemins à travers les âges. Des liens étroits entre nature, troupeaux et berger.e.s
La transhumance dans les Cévennes est une tradition qui se perpétue depuis des millénaires dont les origines, intimement liées au pastoralisme, remontent à environ 2 000 ans avant notre ère.
Du latin trans (à travers, au-delà) et humus (la terre, le sol), elle se définit comme le déplacement saisonnier des troupeaux, généralement des ovins et des bovins, d’un lieu à un autre afin de se nourrir.
Ainsi, chaque année au début de l’été, une partie des troupeaux guidés par les éleveurs et bergers partent depuis les plaines du Languedoc mais aussi des vallées plus proches jusqu’aux sommets des massifs du Mont-Lozère, du Bougès et de l’Aigoual ; quittant les parcours asséchés pour les hauts pâturages afin de profiter d’une herbe plus riche et d’un climat plus frais.
Les drailles, chemins de la transhumance
Les Cévennes sont l’un des derniers endroits en France où la transhumance se fait encore à pied même si une partie utilise aujourd’hui des camions bétaillère pour avancer les animaux. Les troupeaux se réunissent au cours de l’ascension sur des chemins spécifiques que sont les drailles. Indispensables pour la transhumance à pied, elles font partie du patrimoine historique et identitaire du Languedoc. Elles sont jalonnées par une multitudes petits bâtis (murs de soutènement, calades, menhirs, montjoies,…).
Les plus grandes drailles, les collectrices sont reliées par un vaste réseau de drailles secondaires, le tout formant un maillage de près de 800 km. Certaines sont aujourd’hui des chemins de grandes randonnées qui permettent d’assurer un relatif entretien, d’autres ont été en partie réaffectées vers un autre usage (routes, pistes forestières,...). De nombreux tronçons se dégradent, devenant une source d’inquiétude pour les éleveurs qui en dépendent.
Le marquage et l’ensonnaillage
A l’occasion de ces marches qui représentent pour les plus longues un trajet de 100 km, une partie des brebis est ornée de sonnailles de transhumance (en occitan : dralhaus), de pompons en laine colorée et d’un marquage aux initiales du propriétaire.
La tradition de l’ensonnaillage des bêtes revêt un aspect culturel et festif, en particulier lors des traversées des villages où la population sort pour regarder passer le troupeau. Ces sonnailles spécifiques permettraient aussi de stimuler et rythmer la marche des animaux. Elles sont retirées une fois le troupeau arrivé à destination puis remises pour la descente.
L’estive
Les animaux vont rester sur les pâturages d’altitude de juin à août c’est ce que l’on appelle l’estive. Dans les Cévennes on retrouve des estives occupées par des ovins, environ 20 000 têtes venant du Gard (56%), de Lozère (30%) et de l’Hérault (14%) et des estives bovines, environ 2000 têtes, essentiellement occupées par des éleveurs locaux.
Tous ces troupeaux répartis sur plus 6 700 ha d’estives permettent le maintien d’espaces ouverts porteurs d’une biodiversité et de paysages remarquable. En estives, les animaux sont gardés par des bergers dont certains sont eux-mêmes éleveurs. Sur le territoire du Parc national, on dénombre ainsi plus de 25 bergers et aides bergers.
Chaque soir, les brebis de l’estive sont rassemblées dans un parc de nuit souvent à proximité de la cabane ou dort le berger ou la bergère. Ce parc de nuit est balayé les jours de beau temps afin de récolter un fumier très sec et très riche appelé Migou. Les bergers le mettent en sac et le vendent aux viticulteurs et maraîchers des plaines.
Une tradition ancestrale, patrimoine culturel immatériel
Bien plus qu’une tradition ancestrale, la transhumance est un mode de vie dont l’importance culturelle et socio-économique repose sur la transmission de connaissances et de savoir-faire. De fait, elle contribue de manière significative à l’économie locale, à la préservation des paysages ouverts et de la biodiversité liée.
A ces égards, la transhumance a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en décembre 2023. Cette reconnaissance s’accompagne d’un plan de sauvegarde pour assurer le maintien de la transhumance et du pastoralisme comme des pratiques traditionnelles mais toujours tournées vers l’avenir en étant porteuses de solutions pour répondre par exemple au changement climatique.
Le Parc national des Cévennes soutient la transhumance
Le Parc national mène depuis sa création en 1970 des actions pour maintenir la transhumance et plus largement le pastoralisme. Le Parc a travaillé en étroite collaboration avec les chambres d'agriculture et les groupements pastoraux pour revitaliser cette pratique et stabiliser les effectifs ovins transhumants. En 1977, seulement 10 000 brebis transhumaient encore.
- Actions sur le foncier :
D’abord par l’acquisition d’une partie des terres utilisées comme estives, garantissant ainsi leur usage pour les éleveurs via des conventions pluriannuelles de pâturage. Près de 2000 ha (28 % des surfaces d'estives du territoire du Parc national des Cévennes) sur les 3700 ha de surface agricole qui appartiennent à l'établissement sont mis à disposition des bergers-bergères via des conventions pluriannuelles de pâturage (CPP) aux groupements pastoraux avec des loyers très faibles.
- Aides directes :
Le Parc national accorde des subventions directes pour la valorisation et le développement du pastoralisme et notamment le soutien des actions sur les estives. Ces dernières années, il a porté la construction et réfection de 12 cabanes pastorales sur les estives pour permettre aux bergers de vivre et de travailler dans de meilleures conditions. Il intervient aussi sur les autres équipements nécessaires au maintien du pastoralisme.
- Accompagnement technique :
L’établissement assure également un accompagnement technique avec les partenaires : Copage et les Chambre régionale d'agriculture d'Occitanie et du Gard et propose des actions et des fiches pratiques sur la gestion du pastoralisme.
- Mesures de protection face à la prédation :
Face aux risques de prédation, le Parc national contribue à la mise en place des mesures de protection et d’accompagnement des éleveurs et des bergers dans le cadre du Plan national d’action Loup.
Sur le territoire, les agents participent aux suivis et prélèvement d’indices de présence de canidés et interviennent en cas d’attaque sur les troupeaux pour réaliser les « constats de dommages ». La première année, il finance également en partie l’intervention d’un berger d’appui qui vient en aide au berger en place par exemple lorsque les troupeaux sont menacés par des attaques.
Le Parc national recrute chaque été sept médiateurs pastoraux pour sensibiliser les promeneurs, cyclistes,… aux bons comportements à adopter avec les chiens de protection des troupeaux.
Enfin l'établissement organise des formations et des réunions d'échanges avec l'Institut de l'élevage (Idele) sur les chiens de protection.
- Accès aux aides agro-environnementales :
En partenariat avec les acteurs du territoire, le Parc national coordonne le déploiement d’aides européennes appelées Mesures Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC) qui sont des contrats de 5 ans. Tous les groupements pastoraux du territoire du PNC bénéficient de ces aides en contrepartie de l’entretien et de la préservation d’habitats à forte valeur écologique
Pour aller plus loin :
- Site officiel de Causses et Cévennes - Patrimoine mondial de l'Unesco
- Chiens de protection des troupeaux : les bons comportements à adopter
- L'agropastoralisme dans le Parc national des Cévennes