Loïc Molines, ingénieur départemental en Lozère au Centre Régional de la Propriété
Forestière (CRPF) Occitanie.
À quels défis sont confrontés les propriétaires / gestionnaires forestiers sur le territoire ?
Le maintien de l’équilibre agro-sylvo-cynégetique constitue le premier défi à relever. À partir du moment où on le perd, la forêt est impactée. Dans un peuplement de résineux, de jeunes feuillus poussent naturellement. Très appétants, ils sont les premières « victimes » des cervidés. On perd ainsi le mélange des essences puisque seule la moins attractive sera en mesure de se renouveler. Si la pression devient trop forte, plus aucune essence n’y parviendra. Dans certains secteurs, les dégâts de cervidés sont une préoccupation importante et c’est un problème silencieux dans le sens où les effets du déséquilibre ne se voient pas tout de suite. S’il perdure entre 10 et 20 ans, le retard de production de la forêt s’accumule et en cas de maladie, il n’y a plus rien. Le premier levier pour y répondre reste la chasse dans sa fonction de régulation.
Le maintien de l’équilibre entre l’écosystème forestier et la faune sauvage est un enjeu majeur dans le contexte du changement climatique, qui est le second défi auquel les forestiers doivent faire face. Ils gèrent leur forêt sur le temps long. C’est un engagement sur plus de 80 ans. Cela veut dire que les choix de sylviculture effectués aujourd’hui peuvent être impactants pour la vie future de la forêt. C’est une difficulté. Nous voyons les effets du changement climatique par endroit, mais nous n’avons pas de visibilité sur son ampleur de manière globale. Il ne touchera pas les peuplements forestiers sur l’ensemble du territoire avec les mêmes effets. Aussi, nous devons trouver des systèmes de gestion flexibles pour rendre la forêt plus résistante et résiliente, et peut-être que des solutions devront être apportées au cas par cas.
Quels modes de gestion préconisent le CRPF aux propriétaires / gestionnaires forestiers ?
Il y a autant de modes de sylviculture que de propriétaires forestiers, qui sont les décideurs. Le CRPF les accompagne en leur apportant du conseil, notamment sur les risques qu’ils peuvent prendre dans l’élaboration de leur gestion. Aujourd’hui, la tendance est plutôt au bannissement des peuplements monospécifiques car en cas de problème sanitaire, tout le travail peut être réduit à néant.
Nous préconisons davantage le mélange des essences : résineux et feuillus, en s’appuyant sur l’existant ou en le créant. Avec l’aide des partenaires institutionnels, dont le Parc, nous avons édité une brochure pour les professionnels sur les enrichissements en sylviculture mélangée à couvert continu. C’est une technique qui consiste à planter de jeunes plants sous le couvert d’arbres afin de les protéger contre le stress hydrique en cas de forte chaleur. Dans les espaces libres, il est possible de varier les essences en jouant sur la composition mais aussi sur l’organisation de ces plants. Nous avons essayé de mettre en valeur des retours d’expériences de forestiers qui mettent en place de telles pratiques depuis plus d’une dizaine d’années, ce qui est relativement récent. Il y a des réussites mais aussi des échecs. Ces tentatives permettent d’apprendre.
Quelle est la position du CRPF concernant l’introduction d’espèces « exotiques » ?
Au CRPF, comme chez les forestiers, les avis ne sont pas tranchés sur cette question. Certains estiment qu’il faut introduire des espèces allochtones ayant des caractéristiques leur permettant de résister à des climats plus chauds et secs, comme le Cèdre de l’Atlas, le Calocèdre... Il faut toujours être prudent lorsque l’on importe des végétaux exotiques, car cela peut apporter des maladies complémentaires. D’autres forestiers préfèrent dans un premier temps favoriser les mélanges avec les espèces locales qui semblent les mieux adaptées, notamment d’un point de vue génétique. Je pense qu’il faut encourager les méthodes qui s’appuient sur les mécanismes naturels et, pourquoi pas, dans une certaine mesure tester d’autres espèces mais à petite échelle. L’essentiel est d’apporter de la diversité à la forêt pour permettre son bon fonctionnement et assurer un rôle de production. L’économie locale est très dépendante des résineux et les schémas que nous proposons doivent s’inscrire dans la réalité de notre territoire.
Cet article est extrait du dernier numéro du magazine du Parc de serres en valats. Son Grand angle s'intéresse aux impacts potentiels du changement climatique sur la forêt.
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