La forêt est peuplée de géants. En conséquence, beaucoup de plantes doivent s’adapter à la réduction de la lumière, les arbres faisant parasol. Une vie à l’ombre pourrait sembler plus calme car la température y est plus stable et l’humidité plus constante. Dans ce milieu parfois très sombre, les voisins peuvent être de précieux alliés.
Les forêts peuvent parfois offrir un tapis aussi resplendissant et odorant de fleurs (Violette, Aspérule odorante, Calamenthe…) que les prés, les landes ou les garrigues. Les plantes à fleurs qui privilégient le milieu boisé émergent au tout début du printemps, avant que les arbres n’aient déployé leur feuillage, pour capter la lumière nécessaire à leur floraison et leur pollinisation.
Ce sont bien souvent des plantes à bulbes ou à rhizomes capables de stocker suffisamment de nutriments pour sommeiller durant de longs mois sous terre avant de refaire surface. Elles s’appellent Ail victorial, Gagée jaune, Scille à deux feuilles… Leur vie printanière aérienne est courte mais spectaculaire en raison de la beauté de leur floraison !
Trouver une échelle
Certaines sont prêtes à tout pour sortir de l’ombre et fleurir. Pour y parvenir, elles mettent à contribution les plus grandes, comprenez les espèces ligneuses. C’est le cas du Lierre grimpant (Hedera helix), une liane arborescente pouvant atteindre les trente mètres de haut. Elle s’accroche à son support grâce à une série de petits crampons, et va se lignifier au fur et à mesure de son ascension pour affermir sa prise. Ces crampons sont également pourvus de poils microscopiques qui vont sécréter une substance adhésive pour bien se fixer. En échange du support pour sa croissance, le lierre sert d’isolant thermique en hiver et de climatiseur en été à son hôte. Cette espèce aux feuilles persistantes, luisantes et coriaces ne fleurit que lorsqu’elle a atteint la pleine lumière. Sa floraison tardive à l’automne constitue une ressource précieuse pour les pollinisateurs, en particulier pour l’Abeille du Lierre.
Parasiter ses voisins
Dans l’ombre, certaines espèces tirent leur épingle du jeu, à l’image du très original Monotrope sucepin (Monotropa hypopitis). C’est une plante albinos. Toutes ses parties sont blanches pâles à jaunâtres et ses feuilles sont réduites à des écailles qui recouvrent la plus grande partie de la tige. Elle a la particularité de ne pas contenir de chlorophylle et n’a donc de ce fait pas recourt à la photosynthèse. Aussi, son subterfuge pour survivre consiste à soutirer la nourriture de ses voisins. Pour cela, elle forme une symbiose avec des champignons. Outre le fait de se nourrir de ces derniers, elle envoie des suçoirs d’où le nom de « sucepin », dans les racines du Pin, Sapin, Épicéa... pour pomper leur sève.
Quelques autres plantes albinos mettent également les champignons à contribution pour se nourrir de matière morte comme la Néottie nid-d’oiseau (Neottia nidus-avis), ou ces deux orchidées, l’Epipognon sans feuilles (Epipognium aphyllum) et la Racine de corail (Corallorhiza trifida).
L’occitan révèle des usages traditionnels et une
approche sensible des plantes
La langue occitane est un vecteur privilégié de transmission des savoirs et savoir-faire concernant les plantes. Afin de conserver les connaissances locales dans ce domaine, les données connues dans la littérature existante ont été compilées en 2020 par Monique Carlier, ethnologue. Ce corpus d’information vient désormais compléter le catalogue de la flore du Parc. Il regroupe une ou plusieurs traductions pour près de 250 références taxonomiques, mais aussi la localisation des dénominations, l’usage de la plante, ainsi que la source bibliographique.
Ces données denses et complexes nourrissent volontiers des débats d’experts. Ainsi, la pâquerette peut alternativement être qualifiée de pimparèlà pour souligner sa beauté (pimpar = se pomponner) ou de pascareta, pour « petite fleur de Pâques ». La délicieuse laitue scariole est connue comme lachuga, en référence au latex qui s'écoule des plantes laiteuses de cette famille, mais elle peut aussi être èrba de sant Josèp pour indiquer que cette salade sauvage se cueille jusqu’au 19 mars (St Joseph) ; à moins que l’on retienne bossolèto (boussole), pour évoquer l’orientation nord/sud qu’indiquerait cette plante ! Les subtilités de la langue révèlent ainsi à la fois une approche fine et sensible de la flore mais aussi toute la richesse de ses usages.
Cet article est extrait du dernier numéro du magazine du Parc de serres en valats. Son Grand angle vous présente les stratégies des plantes pour survivre dans des conditions parfois extrêmes en Cévennes.
Vous pouvez le télécharger sur notre site en cliquant sur ce lien.