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Inventaire floristique de la tourbière du Peschio par les chercheurs de l'ISEM © NM-PNC

 

Dans le cadre d’une convention de partenariat entre l’Institut des Sciences de l’Évolution de Montpellier (ISEM) et le Parc national, une thèse est conduite sur le complexe de tourbières des Nassettes et du Peschio sur le mont Lozère ainsi que sur le site Natura 2000 de la Combe des Cades à Ispagnac.

 

Les tourbières sont des milieux humides remarquables. Réservoirs de biodiversité et puits de carbone, elles jouent un rôle essentiel dans le stockage de l’eau et la prévention des inondations. Depuis plusieurs années, le Parc national conduit une stratégie d’acquisition de connaissances sur le fonctionnement des tourbières afin d’adapter au mieux la gestion et la conservation de ces milieux fragiles. La paléoécologie, l’étude des écosystèmes anciens, fait partie des sciences qui permettent de comprendre la formation de ces milieux et leur évolution au fil des millénaires. Une évolution marquée par les changements climatiques et les activités humaines.

 

Caractériser la pression anthropique

 

C’est dans ce cadre que le Parc et l’ISEM ont établi un partenariat. Camille Henriet, doctorante à l’université de Montpellier, réalise une thèse sur plusieurs tourbières du sud du Massif central parmi lesquelles la Combes des Cades à Ispagnac, les Nassettes et le Peschio sur le mont Lozère. « Mon objectif est de caractériser l’impact anthropique sur les tourbières à une échelle très locale et évaluer la façon dont ses impacts peuvent se retranscrire sur la végétation actuelle », explique Camille Henriet, accompagnée par les enseignants chercheurs de l’université de Montpellier et de l’ISEM, Serge Muller et Jean-Frédéric Terral.

 

 

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Les végétaux partiellement décomposés sont conservés dans l'eau © NM-PNC

 

 

Le pollen, témoin du passé

 

Dans ce milieu gorgé d’eau, de façon temporaire ou en permanence, la matière organique se décompose très lentement en raison du manque d’oxygène. La tourbe s’accumule ainsi durant des milliers d’années. L’histoire de la végétation peut-être retranscrite en étudiant le pollen enfoui dans la tourbe grâce à des carottages dans le sol. Outre le pollen, des micro restes de feuilles, de tiges de racines ainsi que des graines et des spores de champignons sont également passés au microscope. « 1 carré de 1 cm³ peut contenir entre 100 000 et 1 million de graines de pollen », explique Serge Muller. La carotte prélevée sera examinée durant deux ans avant de livrer ses résultats.

Outre la tourbe, la végétation intéresse également la thésarde. Des relevés botaniques sont ainsi effectués sur plusieurs zones. En matière de diversité floristique, le complexe de tourbières du Peschio fait figure d’exception à l’échelle du Massif central, surtout en pleine période de floraison ! Au moins une cinquantaine d’espèces remarquables y ont été recensées. Parmi celles-ci, la Droséra à feuilles rondes, le Trèfle d’eau, la Linaigrette, 4 espèces de Carex, l’Arnica, la Gentiane pneumonanthe, le Lycopode inondé, l’Airelle, ou encore une dizaine d’espèces de sphaignes. 
 

 

 

15 000 ans d’évolution

 

Les tourbières du mont Lozère ont attiré les chercheurs depuis le début du XX ème siècle. Des travaux récents conduits par Serge Muller et Jean-Frédéric Terral ont permis de dater la tourbière des Nassettes à 15 000 ans, contre 10 000 ans connus auparavant. « Nous sommes à cette époque à la fin de la glaciation. Les paysages ressemblent à des steppes à armoises parsemées de genévrier et de bouleaux », explique Serge Muller. Puis le climat se réchauffe, vers – 7000 une végétation forestière riche en noisetiers et en chênes s’installe. Vers – 6000, la chênaie diversifiée en tilleuls et frênes s’installe progressivement avant d’être supplantée par le hêtre. Vers – 4 500 ans,  la hêtraie-sapinière domine l’étage montagnard. Avec l’arrivée du Néolitique en France, la culture et l’élevage se développent. Les activités humaines s’intensifieront jusqu’ à la révolution industrielle, période marquée par la déforestation. L’exode rural et l’abandon des terres qui s’ensuivra verra des reboisements naturels et des grands projets de plantation initiés par l’État comme en témoigne la présence actuelle de pins sur le mont Lozère.

 

 

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La tourbière du Peschio s'étend sur 700 m de long et 800 m de large © NM-PNC

 

 

 

 

Le Peschio, un ancien étang

 

Le terme de peschio désigne un vivier attestant de la vocation piscicole des anciens étangs de ce secteur du mont Lozère (Peschio, Barrandon....). Si l'on admet que les noms des lieux-dits étaient déjà fixés au XIe siècle, ils dateraient du Moyen Âge et des pêcheries auraient été mises en place et concédées par les seigneurs du Tournel, puis seigneurs de Randon. 

Au XVIIe siècle, un conflit aurait opposé les seigneurs locaux aux vignerons du Vivarais qui, selon une croyance bien ancrée à l'époque, accusaient les étangs du mont Lozère d'attirer orages et grêle sur leurs récoltes. Selon une première version, l'affaire se serait terminée par une transaction. Selon une seconde, plus vraisemblable, le litige fut porté jusque devant le Parlement de Toulouse. Cette docte assemblée aurait renvoyé les parties dos à dos en condamnant le seigneur à assécher ses étangs et les vignerons à lui livrer, chaque année et à perpétuité, autant de charges de vin que de jours dans l'année !

 

 


Source URL: https://cevennes-parcnational.fr/actualites/les-tourbieres-memoires-vivantes-des-environnements-anciens