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Certains insectes jouent un rôle clé dans l’équilibre des pâturages : les coléoptères coprophages, plus connus sous le nom de bousiers. 

Deux étudiants de l’Institut Agro ont mené une étude dans une prairie de Daniel Molines, éleveur de bovins sur le mont Lozère afin d'évaluer leur diversité et leur abondance. En assurant la dégradation des bouses, ces insectes participent au bon fonctionnement des écosystèmes pastoraux et contribuent à la bonne santé du troupeau. 

 

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Coléoptères coprophages de la famille des Géotrupes (Trypocopris pyrenaeus et Anoplotrupes stercororus) © William Perrin

 

Un rôle écologique indispensable

Dans les déjections des troupeaux domestiques, on observe souvent des coléoptères coprophages, appelés communément « bousiers ». Ces coléoptères se nourrissent d’excréments. Ils sont indispensables à leur dégradation ! 

En témoigne le cas de l’Australie qui, suite à l’introduction de l’élevage bovin par les colons européens, s’est retrouvée envahie de quantités de bouses non décomposées faute de bousiers capables de s’en nourrir. Avec l’augmentation considérable de la taille des cheptels, cette accumulation a progressivement provoqué une dégradation des pâturages (blocage de la pousse de l’herbe) et la prolifération d’insectes nuisibles (mouches piqueuses), soulignant l’importance capitale des bousiers dans les systèmes pastoraux. 

 

Une étude sur le terrain

Pour observer ces coléoptères, des étudiants de l’Institut Agro encadrés par Lise Roy et Bruno Righetti, se sont rendus à l’automne chez Daniel Molines, éleveur d’une quarantaine de vaches Aubrac à Finiels. Leur objectif initial était de comparer, dans une pâture, les populations de coprophages des pelouses et celles des landes à genets

Des pièges ont été installés dans ces deux milieux. La détermination précise des insectes a été réalisée par les étudiants et leur enseignant, par des agents du Parc national ainsi que par William Perrin, chercheur spécialiste des coléoptères coprophages à l’Université de Montpellier Paul-Valéry.

 

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Piège utilisé pour échantillonner les coléoptères coprophages © Bruno Righetti

 

Une diversité remarquable et une nouvelle espèce pour le Parc !

Cette étude a mis en évidence la diversité des coléoptères coprophages observés, et surtout leur abondance dans cette parcelle. Ce nombre important peut être mis en relation avec les conditions météorologiques très favorables au moment des prélèvements et à la période d’émergence de plusieurs espèces, notamment d’Onthofagus fracticornis et d’Onthofagus joannae, qui composaient l’essentiel des effectifs. 

 

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Détermination des coléoptères coprophages © Sandrine Descaves

 

Ces pics correspondraient à l’émergence de la nouvelle génération d’insectes adultes, issue des pontes réalisées au printemps et au début de l’été. En tout, une quinzaine d’espèces ont pu être identifiées dont une nouvelle pour le Parc national : Aphodius conjugatus.

 

Aphodius Conjugatus
Aphodius conjugatus est présente du nord de la Péninsule Ibérique au Caucase. En France, les observations actuelles sont situées au sud d'une diagonale Bordeaux-Nancy. Elle n'est jamais observée en abondance et recherche les bouses fraîches en prairies de moyenne plaine et moyenne montagne © Hervé Bouyon

 

Différents types de bousiers

En France métropolitaine, on dénombre environ 170 espèces de bousiers. Tous les bousiers n’ont pas le même comportement : 

  • Ceux qui roulent leur boulette de crotte pour l’enfouir plus loin sont appelés les télécoprides ou « rouleurs ». Ce sont souvent des espèces de plus d’un centimètre, qui ont peu de descendants mais une espérance de vie relativement longue.
  • D’autres creusent des galeries sous les bouses et les remplissent de portions d’excrément, ce sont les paracoprides ou « fouisseurs». 
  • Enfin, les endocoprides ou « résidents » restent dans les bouses et dans les premiers centimètres du sol sans enfouir de déjection. Ces derniers sont les plus diversifiés en nombre d'espèces et sont souvent de petite taille et prolifiques. 

 

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Les différents types de bousiers © William Perrin

 

La pression de pâturage influe sur le type de bousiers présents. Des chargements faibles en animaux ont tendance à favoriser les télécoprides. 

Onthophagus fracticornis et Onthofagus joannae, les coléoptères les plus abondants dans la parcelle étudiée, appartiennent au groupe des fouisseurs. Ils enterrent des matières fécales sous les déjections pour nourrir leurs larves. Ils sont par conséquent très performants pour l’intégration de la matière organique dans le sol, fournissant un service écosystémique important.

 

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Daniel Molines, éleveur à Finiels © N. Maltaverne - PNC

 

Une gestion vertueuse du troupeau

Daniel Molines explique : « Je ne vermifuge pas mon troupeau quand mes bêtes sont dehors. Je ne traite que les veaux, en automne, à l’entrée en bâtiment. » Une pratique vertueuse mise en œuvre par de nombreux agriculteurs en bovin viande sur le mont Lozère – dont l’élevage ressort également gagnant ! 

En l’absence de traitements antiparasitaires internes et externes, ou de traitements antibiotiques et anti-inflammatoires, un cercle vertueux s’installe.

Les coléoptères coprophages se développent normalement et limitent les populations de certains diptères ainsi que les parasites gastro-intestinaux des bovins… Pour quelle raison ? Les coprophages, en utilisant les bouses, vont limiter la ressource disponible pour les diptères et les larves des parasites, dont une partie du cycle se déroule dans les bouses. En plus, il se pourrait qu’ils ingèrent accidentellement, de temps en temps, des œufs de parasites. Et enfin, les coléoptères véhiculent de bouses en bouses des acariens qui eux-mêmes s’attaquent aux larves des parasites de vaches ! 

 

 


 

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Dans un écosystème fonctionnel, en l’absence de traitement chimique, les coléoptères coprophages régulent le développement des parasites gastro-intestinaux et des diptères coprophiles © William Perrin

 

La régulation naturelle potentiellement menacée

Quand les éleveurs vermifugent leurs animaux au pâturage avec des molécules écotoxiques, les résidus de ces produits peuvent fortement affecter la survie et la reproduction des coléoptères coprophages, brisant cet équilibre. 

Une réduction de l’abondance des bousiers a pour conséquence de ralentir la décomposition des bouses, impactant ainsi le bon renouvellement de l’herbe et empêchant la régulation naturelle des organismes parasites.

Même si l’inventaire réalisé reste partiel, l’abondance des coprophages dans la parcelle de Daniel Molines reflète la bonne santé fonctionnelle de l’écosystème et des pratiques agropastorales vertueuses.

 

Pour aller plus loin :

 

 


Source URL: https://cevennes-parcnational.fr/actualites/les-bousiers-allies-des-eleveurs